« Accueillir et être accueilli »
Ils sont trois pour venir nous présenter leur association : Barbara Van Waveren, Jacques Crouzet et Bernard Germain.
L’association « Accueil Migrants Vallée du Doux (AMVD) », créée en 2016, accompagne actuellement 8 familles sur le secteur de Lamastre. Ce sont en majorité des personnes qui sortent d‘un CADA (Centre d’accueil des demandeurs d’asile) de St Agrève, de Tournon, du Chambon ou de Valence. Le séjour au CADA, d’une durée de huit à 15 mois, sert à constituer leur dossier pour obtenir leurs papiers. Si le dossier est refusé, ils ont quelques semaines pour quitter la France, avec une aide de l’état. Mais rares sont ceux qui décident de retourner chez eux, environ 5% seulement. Ils reçoivent une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Il leur faut alors se lancer dans une procédure de recours. Si le recours est engagé, ils ne sont plus expulsables le temps du réexamen de leur dossier. Ils doivent donc quitter rapidement le CADA, et risquent de se retrouver à la rue – femmes et enfants compris.
“ C’est là que nous intervenons, ainsi que d’autres associations comme la nôtre, pour prendre en charge les familles”.
L’AMVD les accompagne pour trouver un logement, un travail qui soit déclaré, la prise en charge de la scolarité des enfants, le suivi médical et psychologique, les diverses démarches administratives … Les aides financières concernent surtout le loyer, mais aussi d’autres frais selon la situation de chaque famille ; ces aides peuvent varier et doivent s’adapter aux modifications de chaque cas.
Mais comment ces actions sont-elles financées ?
” Les revenus de l’association dépendent uniquement des adhésions, des dons et des bénéfices des événements qu’elle organise : repas, concerts… Il n’y a pas de subvention. Le but est d’aller vers l’autonomie financière des familles accueillies, mais l’accompagnement va souvent bien au-delà de ça et sur du long terme.
L’association a aussi besoin d’énergies humaines plus nombreuses et cela peut se traduire dans plusieurs domaines : aide aux devoirs scolaires, transports pour les divers rendez-vous, remise en état d’appartements…
Qu’est-ce qui a motivé votre engagement dans ces actions ?
“C’est essentiellement la prise de conscience des problèmes humains mondiaux. Actuellement, plus de 3% de la population mondiale migre à cause des conflits et des problèmes économiques et environnementaux. Certains migrants se retrouvent complètement démunis dans un pays qui leur est étranger, sans souhaiter rentrer chez eux, que ce soit pour des raisons économiques ou pour leur propre sécurité. Comment ne pas leur venir en aide ? Nous, les pays favorisés, nous avons une responsabilité face à cette situation ; c’est une question de justice que de venir en aide à ceux qui ont été contraints de quitter leur pays. Toute personne doit pouvoir librement circuler comme le prévoit la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (article 13).
La migration sert d’argument politique à certains partis pour insuffler la peur de l’étranger, ce n’est pas légitime. Sans pouvoir donner un chiffre exact, on estime que les personnes sans papiers représentent moins d’1% de la population en France. Un chiffre qui bat en brèche l’idée d’une « submersion » de migrants en situation irrégulière. ”
Que dire de la solidarité aujourd’hui ?
“La solidarité est importante ici, mais elle est surtout individuelle. On vit dans un système qui, lui, n’est pas solidaire. Les églises prennent un rôle important dans ces actions, mais c’est essentiellement sur les associations et les divers collectifs que repose l’aide. Ils sont nombreux en Ardèche (ASTI / RESF…), mais ont parfois des difficultés à se mettre en réseau.
En zone rurale, on parvient à trouver des hébergements moins chers. Mais le problème principal, ce sont les transports !”
Comment se passent les rapports avec les familles accueillies ?
« Accueillir une nouvelle famille, c’est un peu comme accueillir un nouvel enfant : on ne sait pas comment il va grandir et on ne maîtrise pas tout !
Les échanges culturels sont très riches et des rapports d’amitié se créent souvent. C’est une belle aventure !. Parfois des problèmes surgissent, mais on arrive toujours à trouver des solutions. On ne trie pas les personnes qu’on accueille, on les prend comme elles sont, avec leur histoire et leur culture.
Parfois, le bénévole qui se donne « à fond » peut se sentir dépassé et c’est important d’être dans une association pour en parler : comment se préserver ? Jusqu’où va-t-on en tant qu’aidant ?”
Et demain ?
“On vit dans la crainte, on ne voit pas les choses aller dans le bon sens. On a peur que notre travail devienne de plus en plus difficile. Il faut du temps pour obtenir les régularisations, pour que les familles deviennent autonomes. On ne peut donc pas répondre à autant de demandes qu’on le souhaiterait. Mais on va continuer, bien sûr, c’est plus que jamais nécessaire ! Le fait d’être en collectif est très important et la reconnaissance des personnes accueillies nous touche beaucoup !”
Contact : Accueil Migrants Vallée du Doux, La Terrasse, 1 Place Seignobos, 07270 Lamastre.
Mail : accueil.migrants.lamastre@gmail.com