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Isabelle Frattini En prendre de la graine

Non loin du col des Fans, Isabelle Frattini nous accueille dans son petit laboratoire bien organisé, où les plantes qui sèchent sur les étagères parfument agréablement l’atmosphère. Elle entame sa neuvième saison de production en plantes aromatiques et médicinales et en cosmétique. “ Je suis cheffe d’exploitation depuis 2020. Je me sens enfin “installée””.

Pourquoi ce choix d’activité ?

Isabelle n’est pas du tout issue du milieu agricole. Mais son arrivée en Ardèche, les rencontres formidables qu’elle y a faites dans le domaine des plantes, puis la naissance de son premier enfant, l’ont décidée à changer d’orientation professionnelle et à produire et transformer ses propres cultures.

“J’avais envie de retrouver une cosmétique plus naturelle, où il n’y aurait pas seulement 1% de plantes dans le produit fini. La gamme que j’ai créée est entièrement faite avec mes productions. Mon produit est donc 100% agricole, mais la cosmétique n’est pas reconnue par les chambres d’agriculture car ce n’est pas alimentaire.”

Isabelle a beaucoup expérimenté pour créer ses produits et tiré les enseignements de ses échecs. Elle ne voulait pas suivre de recettes toutes faites.

“ Mon but était de montrer que c’était possible de s’installer en production de plantes. Beaucoup de personnes me disaient que ça ne l’était pas ! Ce que j’ai envie de montrer, c’est que l’on peut se soigner avec ce qu’il y a autour de chez nous, sans rien acheter ailleurs.”

Pourquoi avoir choisi d’être cheffe d’exploitation ?

“Mon mari étant agriculteur lui aussi, il semblait logique pour tous les conseillers agricoles que j’ai rencontrés, pour les structures auprès desquelles j’ai eu à faire des démarches, que je devrais constituer un GAEC avec mon mari. Même les personnes de notre entourage, de nos amis, ne comprenaient pas ce choix d’être entièrement autonome”.

Isabelle a tenu bon et résisté aux paroles décourageantes : “ Tu n’as pas d’expérience, ça ne va pas marcher”. Dans l’entourage agricole conventionnel, on ne lui accordait aucune crédibilité.

Pour elle, c’était une nécessité et une volonté de passer cheffe d’exploitation à part entière. “ En production de plantes médicinales et aromatiques, l’ agricultrice est juste cotisante solidaire*, ce qui engendre une précarité dont je ne voulais pas. Pour moi, il était primordial d’être indépendante financièrement.”

Aujourd’hui, les exploitations et les activités de son mari et les siennes sont différentes, leurs ateliers aussi…et leurs comptabilités aussi. Ce qui n’empêche pas de s’entraider quand il y en a besoin.

 

Quelques constats du retard de considération de la femme en agriculture :

En 1961 seulement, le mot agricultrice entre dans le dictionnaire.

En 1980 est reconnu le statut de co-exploitante.

En 1985 la possibilité de créer une EARL en agriculture.

En 2019 seulement,  le congé maternité d’une agricultrice se calque sur les autres secteurs professionnels.

Aujourd’hui seulement 20% des chefs d’exploitation sont des femmes.

Les retraites des femmes agricultrices restent en moyenne très inférieures à celles des hommes.

 

Comment on voit la femme agricultrice ?

“Sur les marchés, on ne me considère toujours pas comme agricultrice ! Je suis la vendeuse. Je dois expliquer que je gagne mon propre argent, avec mes propres productions !”

Aujourd’hui, les femmes agricultrices parlent davantage de leur réalité quotidienne ; on ressent davantage la volonté de ne plus être” la femme de…”

Selon Isabelle, le patriarcat reste encore très fort en agriculture. Dans les formations proposées par la chambre d’agriculture, il n’y a jamais d’exemple d’installation d’une femme. Et il y a toujours la référence au mari pour certaines tâches.

La confédération paysanne dénonce ces disparités, mais c’est relativement nouveau. “ Ce sont les néo-ruraux qui ont permis de faire bouger les consciences !”

Les femmes changent le regard sur la pénibilité du travail. “Quand on n’a pas les mêmes forces physiques, on cherche comment faire autrement ! On n’est pas obligé de se casser le dos. Aucune machine agricole n’a été pensée pour un corps féminin ; par exemple, les harnais de débroussailleuse qui compriment les seins ! Des femmes commencent à créer des modèles adaptés aux femmes, mais il y a encore du chemin à parcourir !”

Isabelle reste confiante en l’avenir, rayonnante et passionnée par son activité, toujours en recherche pour de nouvelles créations.

*cotisants solidaires : ce sont des exploitants dont l’activité agricole n’est pas suffisante pour justifier une affiliation à la MSA ( mutualité sociale agricole). Ils versent cependant plusieurs cotisations à la MSA, sans pour autant bénéficier de droits à la retraite ni à l’assurance maladie.

 

Contact :www.grainesetcie.com

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